Crédit photo Geneviève Thibault








CHOISIR

Choisir. Le verbe évoque la croisée des chemins, les deux faces d’une pièce de monnaie, l’hésitation ou la fulgurance d’une direction. Le terme est  souvent associé aux moments les plus épineux de notre existence, celui où la décision assumée fait s’évanouir toutes les autres.
Pourtant, le choix ne se réduit pas toujours aux carrefours bien tranchés. Il épouse aussi, souvent, les courbes du cercle et de la spirale. Un élément en amène un autre, retrouve le premier puis repart explorer les entrelacements de notre histoire. Choisir a lieu à chaque instant dans l’invisible des gestes quotidiens : l’association de deux textures en s’habillant le matin, une envie de sucré mélangé à l’amer, les trajets anodins dans les rues de notre quartier. Dans cette perspective, choisir n’est pas tant un moment particulier que le milieu même de notre existence. Nous n’avons pas décidé de venir au monde : mais dès que nous y sommes, vivre consiste justement à chevaucher chaque situation, se laisser bercer (et parfois berner) par les décisions que nous posons, souffle après souffle.
Lorsqu’elle nous paralyse, la question du choix semble suggérer que nous  pourrions être en maitrise de ce qui nous arrive. Certaines décisions convoquent en effet notre responsabilité et nos valeurs les plus profondes. D’autres se prennent et nous traversent à notre insu. Nous n’avons choisi ni notre origine, ni les transformations imperceptibles de notre corps ou l’horizon à venir de la mort. Cette oeuvre au noir du choisir a quelque chose de mystérieux. La tentation est grande d’y répondre par des stratégies visant à statuer sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Une autre voie renonce à la maitrise pour être avec ce passage inéluctable du temps et ce qu’il amène de pertes nécessaires. Laisser sur le bord de l’assiette les pelures des fruits, regarder les mèches de cheveux glisser au fond du lavabo, accepter d’écraser la poussière des chemins empruntés. Lorsque nous nous laissons traverser par les choix au lieu de croire qu’ils procèdent de nous, arrive, comme le disait si bien Anne Dufourmantelle, « un engagement physique du côté de l’inconnu, de la nuit, du non-savoir, un pari face à ce qui précisément, ne peut se trancher[1]. » Et si dans cet espace clair obscur, l’inattendu pouvait surgir?

Florence Vinit

[1] Dufourmantelle Anne, Eloge du risque, Payot, 2011.
9,5 x 8,5 pouces, reliure ridide
40 photos couleurs
2 photos noir et blanc
58 pages
208 exemplaires, 40$
42 exemplaires édition mécène, 120$ (comprend un tirage unique de l'une des 42 photographies contenu dans Choisir)

ISBN 978-2-923612-67-6




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