Exposition collective À la tombée du jour, Centre Vu photo, Québec, 2023
Histoires de disparitions est une odyssée visuelle de la fin et de la transition.
Un florilège de « portraits vestimentaires » donnant une matérialité au glissement du vivant dans l’immatérialité de la pensée.
Je m’intéresse à la perte et la disparition. Poussée par le désir de m’approcher au plus près de mes sujets de fascination, je travaille depuis quelques années dans le domaine funéraire. Je vis cette expérience professionnelle comme un voyage où je suis un témoin privilégié de cette quête de sens à donner à la perte et ce qui en découle.
Certains endeuillés métamorphose l’absence physique de leur proche en invisible présence. Le corps inhabité se dématérialiserait et se transformerait comme une sorte de chrysalide avant de se déployer et de reprendre forme dans l’immatérialité de la pensée. Ce glissement permettrait de garder, regarder et ressentir leur présence jusqu’au bout, jusqu’à ce que les prénoms n’aient plus de visages et de sonorités. L’ultime fin d’une rencontre serait peut-être là où s’éteint la mémoire. Voilà que mon attention sur la perte et la disparition alimente mes réflexions autour de la pérennité des disparus dans le monde des vivants.
Avec Histoires de disparitions, j’aborde la perte et la disparition sous l’angle de la relation posthume entre un proche et son disparu. Pour ce faire, je photographie les vêtements que l’on m’apporte pour préparer un défunt pour son exposition et je façonne ces parures mortuaires pour en faire des « portraits vestimentaires ». Je les utilise comme des témoins de l’affect mis en œuvre pour faciliter le glissement et le déploiement de leur présence dans l’espace de la mémoire : le vêtement de tous les jours, celui de la tradition, de la fonction, des grandes occasions… S’ajoute à mes observations, l’attention avec laquelle ces vêtements ont été préparés: protégés sous une housse, enveloppés dans du plastique, apportés dans un sac, neufs, démodés, repassés, usés… Je constitue ainsi une sorte de collection de réminiscences autour de la disparition et de la cohabitation posthume qui en découle. Avec ces portraits vestimentaires dans lesquels s’enchevêtrent les sensibilités, je propose une déambulation où la dépossession et la transformation se côtoient lorsque s’opère le glissement du vivant dans cette immatérialité de la pensée.
Je privilégie toujours l’évocation, la suggestion et la poésie pour aborder les sujets sensibles auxquelles je m’intéresse. J’aime la délicatesse qui permet d’approcher et d’apprivoiser ces sujets avec bienveillance. Mon fil conducteur étant de révéler une certaine forme d’impermanence de la finalité, je me suis appliquée à raconter des histoires de destins posthumes propices à la conciliation.