En résidence chez Diaphane pôle photographique en Hauts-de-France, je me suis intéressée au grenier aux petites valises. Vestige d’une époque révolue, cet endroit se trouve dans un des pavillons désaffectés du centre hospitalier Isarien spécialisé en soins psychiatriques. Il renferme les vestiges de nombreuses vies interrompues par la maladie mentale.
Des centaines de « petits cousus » sont entreposés dans ce grenier. Cette pratique consistait à emballer les effets personnels des malades psychiatrisés à leur admission en institution pour les préserver à long terme. Il était d’usage de se servir de leurs vêtements pour confectionner ces ballots que l’on pouvait ensuite découdre pour les porter à nouveau lorsque l’on sortait d’institution. Nombre d’internés n’étant jamais repartis, leurs petits cousus s’y sont entassés entre 1890 et la fin des années 1980.
Touchée par l’accumulation de petits cousus conservés dans le grenier aux petites valises, j’ai cherché à sortir de l’ombre ces oubliés. J’ai porté mon attention sur la correspondance trouvée dans des dossiers de patientes internées entre les années 1960 et 1990. J'y ai entrevu le quotidien de ces femmes pendant cette période de transition dans la pratique de la psychiatrie et de bouleversements dans l’organisation du journalière en institution. Alors que s’écoulaient les années pour nombre d’entre elles, le démantèlement progressif du système autarcique en place débute au profit de leur réinsertion sociale. Au terme de cette transition fin 1980, l’usage des petits cousus et le grenier aux petites valises avec tout son contenu tombera en désuétude, tel un cimetière de vies oubliées.
Je me suis servie de ma démarche d'observation pour raconter, à ma façon, une histoire de vies recluses ensevelies dans la poussière du temps et miraculeusement sauvegardées dans un silence salvateur.