Avec Pierres blanches, je m’intéresse au glissement, ce processus qui s’amorce dans toutes les histoires réelles ou fictives et qui nous conduit jusqu’à leurs conclusions. Je porte mon attention sur ce qui prend fin, au renoncement et à l’effacement qui s’en suit. Je mets en forme mes observations à partir d’objets photographiques, témoins de ces dépossessions où l’illusion, la raison et la fatalité se côtoient pour proposer leur évanouissement.
Je visite tous les cimetières. Lieux d’histoires et de mémoire, j’ai pris plaisir à collectionner par le biais de la photographie, les mots gravés sur les pierres tombales. Accumulés sur plusieurs années, des dates, âges, prénoms, noms communs, qualificatifs et autres dénominations se sont retrouvés dans ma banque d’image que j’approvisionne sans cesse. Pour Pierres blanches, j’ai puisé dans ce répertoire de « mots-photographiques » pour en faire les sujets de ce projet. Je me suis appliquée à proposer un long récit, une sorte de chant du cygne avant l’agonie de la mémoire et du temps qui œuvre à effacer pour fait place à de nouvelles formes de vie.
J’ai sélectionné une soixantaine de mots gravés pour leurs qualités évocatrices et plastiques. J’ai soustrait ce qui les entourait pour ne garder que leurs présences et ce qu’ils suggèrent. J’ai conservé les qualités propres aux surfaces des pierres tombales pour leurs fonctions d’espace d’écriture, telles des feuilles de papier. J'ai ordonné tous ces mots dans une succession de fragments pour former une longue litanie que je projette au mur. Matérialisés et rythmés par la lumière, ils deviennent à la fois dessins dans l’espace, théâtres d’ombres et horizons désuets s’évanouissant les uns après les autres.
L’idée de récit dans Pierres blanches prend ainsi la forme d’un manuscrit visuel.
L’idée de récit dans Pierres blanches prend ainsi la forme d’un manuscrit visuel.
Pierres Blanches réuni des éléments essentiels à la nature morte : narration, cycle de vie, mort et transformation. Je mets en scène l’inéluctable destinée de tous corps vivants pour conclure à une certaine dureté du renoncement, à une consistance de l’évanouissement dans l’oubli avec ce projet sans cesse en développement.